Maîtrise de mathématiques pures
Université de Rouen
Ann�e 1996/1997
Remarque : Je n'ai pas retouch� � ce travail que j'ai fait il y a
quelques ann�es d�j�. En revanche, pour ceux qui voudront en savoir
plus, je leur conseille le site incontestatblement
le plus complet sur les lois de r�ciprocit�s (en
anglais), qui est d� au th�oricien des nombres Franz Lemmermeyer
Cyril Banderier
Maîtrise de mathématiques pures
Université de Rouen
Ann�e 1996/1997
Remarque : Je n'ai pas retouch� � ce travail que j'ai fait il y a
quelques ann�es d�j�. En revanche, pour ceux qui voudront en savoir
plus, je leur conseille le site incontestatblement
le plus complet sur les lois de r�ciprocit�s (en
anglais), qui est d� au th�oricien des nombres Franz Lemmermeyer
Toutefois, pour des raisons de limitation (du nombre de pages et des connaissances de l'auteur), bien souvent, seuls les résultats sont cités, les démonstrations se trouvant dans les livres cités dans la bibliographie ou dans les articles cités dans ce mémoire. Cependant, un résultat aussi puissant que la loi de réciprocité d'Artin n'est même pas démontré dans l'ardu Corps locaux de J.P. Serre, qui renvoie à un livre de théorie des corps de classes. On trouvera dans nos pages quelques autres rouleaux compresseurs. Néanmoins, divers résultats d'arithmétiques seront démontrés aux chapitres 2 et 3, dont last but not least la loi de réciprocité quadratique, serpent de mer de ce TER. Nous espérons que le lecteur aura autant de plaisir que nous à se promener à travers les notions qui nous ont été offertes par deux siècles d'algèbre, voire d'analyse. Et maintenant, commençons à ouvrir nos horizons en définissant le champ de bataille.
Définition : a est résidu quadratique modulo n (ou encore
résidu quadratique de n) si et seulement si a est un carré dans
. Eh oui ! C'est aussi simple que cela.
Exemple : Dans
sont des résidus quadratiques ; 2 et 5 sont non résidus (sous entendu :
quadratiques modulo 6).
Le terme ``résidu quadratique'' est fort poétique mais nous nous efforcerons, lorsqu'il n'y aura pas ambiguïté, à employer le terme ``carré'' ; ce dernier ayant l'avantage d'être bien plus explicite que le terme ``résidu quadratique'' qui, ne faisant qu'esbroufe, ralentit la compréhension des énoncés. Par ailleurs, nous dirons que deux nombres sont ``étrangers'' plutôt que de dire qu'ils sont ``premiers entre eux'', évitant ainsi une polysémie néfaste.
La notion de résidu quadratique apparaît dans un mémoire d'Euler de 1754-1755. D'aucuns, qui ne sont pas mathématiciens, se diront que c'est encore là une futilité de matheux, d'autres, qui le sont, se diront que c'est là une futilité d'arithméticien. Eh bien ! Nous allons nous efforcer, tout au long de ce mémoire, de démontrer le profond intérêt de cette futilité, de ces carrés carrément sans intérêt.
Les jolies formules se succéderont mais, étant conscient que l'esthétique n'est pas un motif d'intérêt pour beaucoup, nous verrons donc, pour ces réfractaires, quelques applications avec les tests de primalité, dont le test de Pépin. Cette miette mathématique est également à la base d'algorithmes de factorisation, avec la méthode de Gauss et celle de Kraïtchik (1920), ancêtre du moderne ``algorithme de factorisation par crible quadratique'' de Carl Pomerance (1990). La lecture du §explicitera ce qu'on peut entendre par intérêt.
Comment savoir si a est un carré modulo n ?
Construire la table des carrés de devient vite fastidieux, si n
est grand. Legendre donne un algorithme simple pour répondre à cette
question. Celui-ci repose sur un résultat puissant de la théorie des
nombres : la loi de réciprocité
quadratique. Le premier à l'avoir énoncée (sans preuve) est Euler en 1783,
après l'avoir frôlée en 1772. Indépendamment, Legendre l'énonce
en 1785 avec une preuve incomplète, toujours insuffisante dans sa
Théorie des nombres, en 1798. Gauss en trouva une preuve à l'âge
de 18 ans, au bout d'un an de recherches, et en exposera la première
démonstration rigoureuse dans ses Recherches arithmétiques en 1801.
Gauss considérait cette loi comme le joyau de l'arithmétique, l'appelant même le ``théorème d'or'' ; il en donnera sept démonstrations différentes. Aujourd'hui, des spécialistes en ont recensé au moins 163, on pourra en trouver une produite par un générateur informatique de théorèmes dans A mechanical proof of quadratic reciprocity, Journal of Automated Reasoning, 1992 de D. Russinoff et nous vous renvoyons à l'American Mathematical Monthly d'avril 1963 pour l'énoncé de la 152 e preuve de la loi de réciprocité quadratique, qui comme la plupart est basée sur le lemme de Gauss (voir §). En métamathématique, on dit qu'un tel théorème, aux démonstrations foisonnantes, a un degré d'ambiguïté élevé. Il en est de même, par exemple, du théorème de Pythagore ou du théorème de l'infinitude des nombres premiers. On en trouvera une douzaine copurchics dans [Ribenboim] (les noms entre crochets renvoient aux références bibliographiques à la fin du document) ; nous en donnerons une dans le § sur les progressions arithmétiques.
En revanche, le théorème des nombres premiers, qui a fêté l'an dernier
son centenaire, n'est pas ambigu : il n'a pour l'instant que deux
démonstrations. En effet, quoique conjecturé depuis Legendre et Gauss, et
après des progrès dus à Tchebychev et Riemann, il ne fut prouvé
qu'en 1896, par Hadamard et de La Vallée-Poussin, indépendamment l'un de
l'autre. Ce n'est qu'en 1949 qu'on en trouva une démonstration
'élémentaire' (i.e. n'utilisant ni la fonction de Riemann ni
la théorie des fonctions holomorphes) due à Erdös et Selberg (
médaille Fields en 1950). On trouvera une version améliorée de cette
démonstration dans [Francinou].
La plus simple manifestation des lois de réciprocité est celle, déjà connue par Pierre de Fermat, qui affirme que les seuls diviseurs premiers de x2 +1 sont 2 et des nombres premiers du type 1+4k (voir §). Avec l'aide du symbole de Legendre, ceci se note
Dans la généralisation aux résidus énièmes, l'extension doit contenir
, une racine énième primitive de l'unité (i.e.
et
). Nous désignerons, conventionnellement
voire traditionnellement, un idéal premier par la lettre
(ou
), P majuscule (ou minuscule) en alphabet gothique,
en honneur à l'école algébrique allemande : en effet Kummer a introduit
ses 'nombres idéaux' en 1844 [Dahan], puis Dedekind a développé
la théorie des idéaux premiers.
Dedekind, dans le Supplément aux `` Vorselungen über Zahlentheorie ''
de Dirichlet, 1871, a introduit explicitement les notions de corps, d'anneau,
de module et d'idéal.
Les idéaux premiers de
qui ne divisent pas n vérifient
où
est la norme
de l'idéal
, égale au nombre de classes du plus grand ordre du corps
modulo
, dit plus simplement,
est le cardinal de
lorsque
est un idéal de l'anneau
des entiers du corps
.
L'analogue du symbole de Legendre est défini par
. Tout comme pour le symbole de Jacobi, si
est
la décomposition de l'idéal principal (b) en idéaux premiers,
et si a et b sont des entiers algébriques étrangers, alors :
.Si, avec ce symbole de résidu n-ième, on a
, alors
il existe un entier algébrique
tel que
.
La loi de réciprocité pour n=4 dans le corps a
été établie par Gauss. Pour n=3 dans le
corps
, elle a été établie par Eisenstein :
Beweis des Reziprozitätgesetze für cübischen Reste, J. Math., 1844,
utilisant la formule
On pourra remarquer que plusieurs sujets de T.E.R., outre le nôtre, recoupent des problèmes mis en évidence par Hilbert : le quatrième sur les géométries non euclidiennes, le septième sur la transcendance de certains nombres, le dix-huitième sur les pavages (de l'espace), le vingtième sur le problème de Dirichlet...
A cette époque, une nouvelle étape dans la recherche de lois de réciprocité générales avait été franchie par Hilbert avec ses deux articles : Die Theorie der algebraischen Zahlkörper et Über die Theorie der relativquadratischen Zahlkörpern, Jahresber. Deutsch. Math., 1897 et 1899, dans lesquels il a éclairci leurs aspects locaux. Il avait établi, dans certains cas, une loi de réciprocité pour le symbole de Hilbert :
La première moitié du XX
e
siècle a vu diverses avancées dans
l'étude des lois de réciprocité dues à Furtwängler, Artin, Hasse et
Takagi. La loi de réciprocité dans les corps quadratiques dans le cas
général est due à [Hecke] et la forme la plus élaborée
a été obtenue par une apothéose due à I.R. Shafarevich :
A general reciprocity law, Uspekhi Mat. Nauk., 1948.
Elle est, tout comme la loi de réciprocité de Gauss, très liée à
l'étude de la décomposition d'un idéal d'un corps de nombres
algébriques
dans une extension algébrique
à groupe de Galois
abélien. En particulier, la théorie des classes, qui donne la solution de
ce problème, peut être basée sur la loi de
réciprocité de Shafarevich comme l'ont fait Lapin, Cassels et [Neukirch].
Au jour d'aujourd'hui (redondance pléonastique voire superfétatoire ?), il reste quelques grandes conjectures offertes au monde mathématique. Gageons qu'elles figureront sur la liste des problèmes ouverts pour le XXI e siècle.
Nous citerons les suivantes, qui sont plus ou moins en rapport avec notre sujet :
- la conjecture de Riemann affirme que la fonction (une fois prolongée
analytiquement à
) ne s'annule
que sur la droite Re(z)=1/2 (à l'exception des zéros triviaux
).
La conjecture de Riemann généralisée affirme la ``même chose'' pour les
L-séries de Dirichlet.
Ces dernières sont définies par
- la conjecture P NP : tout problème résoluble en temps polynomial
non déterministe est-il résoluble en temps polynomial ? C'est-à-dire : si on peut vérifier une solution en temps
polynomial, peut-on la trouver en temps polynomial ? Bien sûr,
quelque soit la réponse, il restera toujours à trouver des algorithmes de
complexité minimale pour une multitude de problèmes...On connaît
l'importance de tels progrès, et les retombées qu'ils pourraient avoir,
en cryptographie notamment, puisque cette dernière est basée sur
l'hypothèse que la factorisation ou que le logarithme modulaire sont NP.
- les mathématiciens, du moins ceux qui ne sont pas trop découragés par la réponse négative de Matijasevich au dixième problème de Hilbert (on s'est même demandé si le problème de Fermat n'était pas indécidable !), n'ont toujours pas résolu moult équations diophantiennes (Waring, Catalan).
- on ignore encore si de nombreuses familles de nombres vérifiant telle
propriété sont finies : par exemple les nombres premiers jumeaux (p,p+2),
repunits (1...1), de Mersenne (2
n
-1), de Fermat (22
n
+1),
de Cullen (), de Sophie Germain (p, 2p+1),
réguliers (voir §), de Wieferich (
),
de Wilson (
) [Guy].
- voici, pour finir, un problème important de la théorie des nombres :
la conjecture ABC.
Soit l'ensemble des triplets (A,B,C) d'entiers vérifiant
`` Un symbole est une concrétisation d'une réalité abstraite.
Le sens étymologique du mot grec
, dérivé du verbe
,
``je joins'', définit un objet partagé en deux, la possession de chacune
des deux parties par deux individus différents leur permettant de se
rejoindre et de se reconnaître. [...] Le champ du symbole peut-il
être limité ? Il semble que non. ''
Encyclopædia Universalis, article ``symbole''.
On peut aussi énoncer le fait suivant :
g est un générateur du groupe
cyclique est un non carré.
La réciproque est vraie si
.
La loi de réciprocité pour le symbole de Legendre affirme
L'intérêt d'une stratégie de ``rapetissement progressif du problème'' transparaît dans l'algorithme de calcul du pgcd de (a,b)= :(r,s), dont voici l'algorithme :
DEBUT
tant que faire
;
(* on crunche et squeeze avec allégresse *)
retourner r ;
FIN
La multiplicativité du symbole de Jacobi en fait un caractère réel, on a vu l'importance de cette notion au §
`` Les problèmes posés par les nombres entiers nécessitent de tels travaux et de telles réflexions que, finalement, c'est de là que sortent à peu près la moitié des théories mathématiques [...] Il y a beaucoup de mathématiciens à la suite de Bourbaki qui pensent que c'est la théorie des ensembles qu'il faut mettre au départ ; eh bien ! je ne le pense pas, je pense que c'est la théorie des nombres, des nombres entiers. '' Charles Pisot.
Soit un nombre premier (notation conservée dans TOUT ce chapitre).
est un endomorphisme du groupe multiplicatif
du corps
.Son noyau est {-1, +1}, les racines de X2
-1. Le noyau étant de cardinal 2,
l'image de f est de cardinal
Card(
)/Card(
)
. Il y a donc
carrés dans
. 0 étant
aussi un carré,
contient
carrés.
On en déduit le critère d'Euler : x est carré non nul si et seulement si
x (p-1)/2=1.
En résumé, avec le symbole de Legendre :
.
Il est intéressant de citer le critère d'Euler généralisé
aux résidus n-ièmes :
en posant q=pgcd(n, p-1), est résoluble si et seulement
si
et il y a alors q racines modulo p.
On a donc, au total, 1+(p-1)/q résidus n-ièmes et (q-1)(p-1)/q non
résidus dans
.
Vinogradov a par ailleurs montré que le nombre R de résidus quadratiques
compris entre 1 et est
où
et a formulé l'hypothèse que la distance entre deux non résidus est
, Linnik a d'ailleurs montré que
c'était ``presque toujours'' le cas.
En outre, le plus petit non résidu quadratique est
.
En résumé :
-1 est carré modulo .
Les lecteurs attentifs ne devraient pas être parvenus à cette étape sans avoir au moins froncé les sourcils : en effet les lignes précédentes mal recopiées sur [Itard] souffrent d'une imperfection (euphémisme). Justifierez-vous cette litote en trouvant quelle est l'équivalence aporétique ?
Solution : Il suffit de remplacer par
qui lui sera bien
un groupe multiplicatif. En effet, si
,
il ne sera pas inversible. On peut pallier cet inconvénient, si r
ou r' n'est pas nul (ce qui revient à ce que tous deux soient non nuls),
ainsi l'achoppement fatal saute si p ne divise ni a ni b, a fortiori
si a et b sont étrangers, hypothèse apodictique et même salvatrice.
En résumé : les seuls diviseurs d'une somme de deux carrés
étrangers sont 2 et des nombres premiers de la forme 4n+1.
Un résultat de Fermat affirme même qu'un nombre premier de la forme
4n+1 est somme de deux carrés ;
en 1977, Larson en a donné une démonstration qui utilise le placement de
n reines sur un échiquier sans qu'aucune ne soit en prise.
Montrons que .
Posons . Considérons l'ensemble des
résidus minimaux de
Comme p ne divise pas , il vient :
donc, d'après le critère d'Euler :
Le lemme de Gauss peut être utilisé pour déterminer les nombres premiers pour lesquels un entier préalablement choisi est un carré. C'est ce que nous allons faire avec les entiers 2 et -3 pour obtenir quelques formules, souvent appelées ``complémentaires''.
Il s'agit de calculer pour m=2, i.e. le nombres de résidus minimaux
de
strictement négatifs.
On est donc ramené à compter les entiers k tels que : p/2 < 2k<p.
On vérifie aisément que si et
.
Si et
.
Ainsi, dans tous les cas : . Notons
. Ainsi
et si
(resp.
), r a
la même parité que
(resp.
).
Donc, dans tous les cas, r a même parité que
et :
.
En résumé :
2 est un carré modulo .
En résumé :
-3 est un carré modulo .
En résumé :
5 est un carré modulo .
On montre également :
7 est un carré modulo
.
Avec ces quelques résultats et la bimultiplicativité du symbole de Jacobi,
il vous est désormais possible de calculer très rapidement .
Par exemple,
peut s'obtenir comme combinaison des résultats
précédents sur
et
, on obtient ainsi :
3 est un carré modulo .
Ainsi .
Il suffit de prouver que si alors
.
Soit
.
Si r
k
=r
l
, on obtient modulo q :
.
D'où , et comme
et nécessairement k=l. CQFD.